jeudi 18 octobre 2007

La Solitaire - troisième partie

Notre troisième jour de marche s'annonça banal mais je ne me dirigeai pas tout à fait dans la direction que l'on aurait dû prendre pour nous rendre à la porte. En fait, Breval était encore à pied et son mécontentement commençait à se faire sentir. Je connaissais parfaitement ma forêt, ma maison ; alors nous allions lui chercher une monture digne d'un héros... il l'aperçu avant moi, disant qu'une bête sombre et immense s'était glissée dans les fourrés. Je souris. L'homme ajouta que ses yeux brillaient monstrueusement... Un instant plus tard, nous entrâmes dans une clairière ensoleillée – je savais que la créature nous suivait toujours – je descendis de ma jument ; Breval resta à côté d'elle. Tout en faisant quelques pas en avant je sifflai un air doux, une chanson apprise il y a bien des années. A cet instant, le héros se demanda ce que je fabriquai. Les buissons frémirent autour de la clairière, au rythme de ma mélodie. Breval me cru folle... j'appelai la bête qu'il avait entrevu...
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Solena, elle, sembla soudainement excitée, non terrorisée. Elle se rapprocha de moi pour accueillir l'être qui arrivait. Une magnifique licorne noire sortit d'entre les arbres, avec une élégance naturelle. Son regard brillait. Sa longue crinière voletait de façon spectrale. Le héros ne daigna pas s'approcher... En revanche, Solena et la licorne se reniflèrent amicalement et frottèrent leur tête l'une contre l'autre. Je tendis ma main vers les naseaux dilatés de la créature, puis la caressai doucement. Finalement l'homme vint examiner le cheval noir, et je lui proposai de monter dessus. Les licornes noires de la forêt de Cérez sont certes sauvages, mais si l'on s'y prend avec délicatesse et franchise elles se laissent aborder.
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Breval me remercia une fois de plus, pour lui avoir trouvé une monture. Nous cheminâmes alors tous les quatre côte à côte. Maintenant il nous restait à traverser la forêt pour rejoindre la plaine Brumeuse...
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Le soir vint rapidement, je trouvai, et une bruine tomba sur nos têtes. Nous décidâmes de nous arrêter pour camper à cet endroit, certes pas très agréable... Au nord de la forêt le sol était beaucoup plus marécageux et l'atmosphère humide ; on se rapprochait de la vallée désertique qui faisait frontière entre ici et la porte des mondes. Je m'assis sur ce qui me parut être un tronc d'arbre, nous allions manger les oiseaux que j'avais chassé durant l'après-midi. Mais soudain je me sentis glisser et onduler... Mon tronc d'arbre s'avéra être un serpent géant, qui n'apprécia point que je m'asseye sur son dos. Les deux chevaux reculèrent et Breval sortit son épée. Le reptile s'enroula autour de l'arbre le plus proche, ses yeux rouges me lançaient des éclairs. Sa queue entourait ma cheville. J'étais immobilisée. A plusieurs reprises il m'attaqua avec sa langue fourchue, que j'évitais de justesse. Le héros s'immisça dans le combat, il passa derrière le serpent et le frappa de sa lame. Mais l'animal ne sentit strictement rien à ce coup. Lumineuse, mon épée, était à quelques mètres de moi. Je devais l'attraper ! Me contorsionnant comme je le pouvais, toujours à la merci du reptile je fis glisser ma main sur la mousse humide du sol... Enfin, mes doigts touchèrent le métal éclatant et je perçus une onde tiède entrer en moi.
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L'immonde serpent ne supporta pas la lumière que projeta mon arme, mais il ne me lâcha pas... Erreur fatale ! Lorsqu'elle toucha sa peau rugueuse des milliers de rayons éblouirent la forêt entière – je suppose que jusqu'au sud l'éclat se répercuta. Quelques instants après je retombai sur la terre froide, et le monstre avait disparu, complètement volatilisé...

La Solitaire - deuxième partie

Quelle ne fut pas ma surprise en la retrouvant enfin ! Lumineuse ne gisait pas sur le sol au beau milieu de branches et de feuilles vertes, non... Un homme grand au regard trouble d'un animal apeuré en tenait fermement la garde entre ses mains jointes. Recouvert d'une épaisse armure de métal vermeil il semblait totalement invincible, et pourtant il venait d'échapper à la mort et il en ressentait encore les sensations traumatisantes. Il s'effondra sur ses genoux et brandit mon arme dans ma direction. Je lui arrachai d'un geste brusque.
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Alors que je lui tournai le dos et remontai sur ma jument il murmura quelque chose que je n'entendis pas franchement mais il me sembla qu'il disait « merci ». Je n'avait aucune envie de m'attarder dans cet endroit et pour cette raison je feignis de ne pas l'avoir entendu. Cependant, alors que je reprenais le chemin qui m'avait emmenée jusqu'ici, l'homme à l'armure se campa devant Solena. « Tu m'as sauvé la vie, ô guerrière... » articula-t-il avec un large sourire. Devant mon expression pour le moins indifférente le pauvre homme fronça les sourcils.
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« Que fais-tu sur ton cheval ? Pourquoi t'en vas-tu ?
- Je vais me chercher autre chose à manger puisque le gibier que j'avais prévu de déguster s'est transformé en homme...
- Tu ne peux m'abandonner dans ta forêt, guerrière, puis-je monter sur ta blanche monture ?
- Certainement pas ! »
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Il n'apprécia guère que je lui refuse mon cheval mais il n'en dit rien. Je crois que cet homme n'était pas du même monde que moi. Un étranger. Je fus étonnée de le voir marcher à nos côtés quand j'ordonnai à Solena de repartir. Cet homme bien mystérieux ne cessait de converser, comme je ne lui répondais pas il finit par me demander pourquoi. « Je n'ai pas pris l'habitude de bavarder avec ma jument. » lui répondis-je, ce qui eut l'effet de le faire taire... un court instant toutefois... Au bout d'une heure environ – je supposai que sa langue commençait à se faire sèche – son monologue se tarit. C'est alors que retrouvant son inspiration il m'assaillit une nouvelle fois de questions.
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« Pardonnez mon indiscrétion, si s'en est une... J'aimerai connaître le nom de celle qui me sauva d'une mort certaine... »
Il fit semblant de ne pas voir mon air agacé, et je me sentis donc obligée de lui répondre.
« Les rares êtres que je croise parfois me nomment Ara la Solitaire.
- Quelles causes si justes peuvent pousser une femme dans la solitude et l'errance ? Tu dois avoir un passé lourdement chargé pour vivre ainsi...
- Je n'ai aucun passé. Ainsi la question est réglée...
- Ne souhaites-tu pas savoir où je vais, Ara la Solitaire ? Ni d'où je viens ? Et pourquoi je fus transformé en cerf ? Et...
- Dans tous les cas je sens que tu vas me le dire ! »
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Commença alors le long récit de ce chevalier sans monture, qui me dit se baptiser Breval. Son histoire me paru invraisemblable et je ne le cru point. Il n'était pas chevalier, mais héros dans son monde. Selon ses dires les Puissances Noires convoitaient depuis déjà longtemps le monde de la Wicca et elles avaient fini par accéder à leur désir. La guerre avait donc éclaté au delà de ma forêt de Cérez, au delà même de ma planète. Il fut changé en animal et envoyé ici sur Mirand'arh par un puissant mage du nom de Kianan qui souhaitait plus que tout se débarrasser des héros protégeant la Wicca afin de s'assurer la victoire sur cette nouvelle terre. Pour achever son malheureux conte il m'avoua qu'il avait encore besoin de moi et de ma précieuse connaissance de la forêt. Il espérait que je le guide jusqu'à la porte qui séparait nos deux mondes, mais l'idée de devoir le supporter pendant plus d'une heure encore me déplaisait particulièrement. Je ne sais pour quels motifs je refusai tout bonnement de croire à pareil fable. Mais il finit par me convaincre... J'avais vécu si longtemps en solitaire que je trouvais folle la pensée de voyager aujourd'hui avec quelqu'un d'humain.
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Je restai déterminée à ne pas lui prêter ma jument... Cependant je lui promis de lui trouver une monture pour le reste du chemin. Nous marchâmes ensemble sur plusieurs kilomètres, nous arrêtant pour manger et dormir. Solena semblait apprécier la compagnie du héros. La porte qui lui permettrait de rejoindre sa planète était particulièrement éloignée de l'endroit où j'avais fait sa rencontre. Il fallait traverser toute la forêt de Cérez puis passer les plaines Brumeuses. Or, une tâche comme celle-ci paraissait simple à quiconque désirait l'entreprendre, mais mon pays le Mirand'arh, peuplé d'êtres et de créatures magiques était loin d'être un lieu sûr...

jeudi 11 octobre 2007

Les 12 Royaumes de Fuyumi Ono

Fuyumi Ono est née à Ôita et est diplômée de l'université Ôtani de Kyôto. Elle est l'épouse de l'auteur de romans policiers Uchida Naoyuki (il écrit sous le nom de Ayatsuji Yukito).
Son premier roman pour adolescents, The sleepless Birthday Eve, paraît chez Kodansha en 1988. Les Douze Royaumes sont publiés chez le même éditeur à partir de 1992. À ce jour, près de six millions d'exemplaires ont été vendus au Japon. La série est devenue une référence pour les amateurs d'heroic fantasy et de culture asiatique.
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Tome 1 : La Mer de l'Ombre
Yoko est une lycéenne japonaise d'apparence ordinaire. Très timide, elle supporte mal les moqueries et se sent mal dans sa peau. La jeune fille est en effet hantée par d'incessants cauchemars, où elle est traquée par des monstres, qui la plongent dans un profond malaise. Un jour l'étrange se produit, et le rêve rejoint la réalité. Keiki, un jeune homme, apparaît et lui prête allégeance.
« Je vous ai cherchée longtemps... » Qui est cet inconnu qui vient s'agenouiller devant Yôko, en plein lycée ? La jeune fille n'a pas le temps de s'interroger : la voilà entraînée dans un autre monde, poursuivie par une horde de créatures monstrueuses. Commence alors pour Yokô un long voyage au coeur des 12 royaumes. Un voyage au bout des ténèbres, au bout d'elle-même...
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Tome 2 : La Mer de l'Ombre
Trahie par les humains, poursuivie par les démons, Yôko poursuit sa quête solitaire dans le monde des 12 royaumes. Un monde dont elle ignore tout. Qui l'a amenée ici ? Qui lui a donné cette épée magique ? Pourquoi est-elle là ? Au coeur des ténèbres du royaume de Kô, elle rencontre enfin un ami, un vrai. Son destin dans les 12 royaumes se précise enfin...
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Mon avis :
J'ai découvert cette série d'Héroic Fantasy grâce à ma soeur, fan d'animés, de mangas et de Japon. J'ai beaucoup aimé, c'est différent des histoires que l'on trouve dans les librairies, au niveau du style, de la psychologie des personnages, des décors. Mais c'est vraiment excellent, très bien écrits (bon traduit forcément je ne lis pas le japonais :$), toute la partie sur le travail des personnages est vraiment bon. Attention très longue saga... tous aussi bien les uns que les autres !!