jeudi 18 octobre 2007

La Solitaire - deuxième partie

Quelle ne fut pas ma surprise en la retrouvant enfin ! Lumineuse ne gisait pas sur le sol au beau milieu de branches et de feuilles vertes, non... Un homme grand au regard trouble d'un animal apeuré en tenait fermement la garde entre ses mains jointes. Recouvert d'une épaisse armure de métal vermeil il semblait totalement invincible, et pourtant il venait d'échapper à la mort et il en ressentait encore les sensations traumatisantes. Il s'effondra sur ses genoux et brandit mon arme dans ma direction. Je lui arrachai d'un geste brusque.
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Alors que je lui tournai le dos et remontai sur ma jument il murmura quelque chose que je n'entendis pas franchement mais il me sembla qu'il disait « merci ». Je n'avait aucune envie de m'attarder dans cet endroit et pour cette raison je feignis de ne pas l'avoir entendu. Cependant, alors que je reprenais le chemin qui m'avait emmenée jusqu'ici, l'homme à l'armure se campa devant Solena. « Tu m'as sauvé la vie, ô guerrière... » articula-t-il avec un large sourire. Devant mon expression pour le moins indifférente le pauvre homme fronça les sourcils.
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« Que fais-tu sur ton cheval ? Pourquoi t'en vas-tu ?
- Je vais me chercher autre chose à manger puisque le gibier que j'avais prévu de déguster s'est transformé en homme...
- Tu ne peux m'abandonner dans ta forêt, guerrière, puis-je monter sur ta blanche monture ?
- Certainement pas ! »
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Il n'apprécia guère que je lui refuse mon cheval mais il n'en dit rien. Je crois que cet homme n'était pas du même monde que moi. Un étranger. Je fus étonnée de le voir marcher à nos côtés quand j'ordonnai à Solena de repartir. Cet homme bien mystérieux ne cessait de converser, comme je ne lui répondais pas il finit par me demander pourquoi. « Je n'ai pas pris l'habitude de bavarder avec ma jument. » lui répondis-je, ce qui eut l'effet de le faire taire... un court instant toutefois... Au bout d'une heure environ – je supposai que sa langue commençait à se faire sèche – son monologue se tarit. C'est alors que retrouvant son inspiration il m'assaillit une nouvelle fois de questions.
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« Pardonnez mon indiscrétion, si s'en est une... J'aimerai connaître le nom de celle qui me sauva d'une mort certaine... »
Il fit semblant de ne pas voir mon air agacé, et je me sentis donc obligée de lui répondre.
« Les rares êtres que je croise parfois me nomment Ara la Solitaire.
- Quelles causes si justes peuvent pousser une femme dans la solitude et l'errance ? Tu dois avoir un passé lourdement chargé pour vivre ainsi...
- Je n'ai aucun passé. Ainsi la question est réglée...
- Ne souhaites-tu pas savoir où je vais, Ara la Solitaire ? Ni d'où je viens ? Et pourquoi je fus transformé en cerf ? Et...
- Dans tous les cas je sens que tu vas me le dire ! »
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Commença alors le long récit de ce chevalier sans monture, qui me dit se baptiser Breval. Son histoire me paru invraisemblable et je ne le cru point. Il n'était pas chevalier, mais héros dans son monde. Selon ses dires les Puissances Noires convoitaient depuis déjà longtemps le monde de la Wicca et elles avaient fini par accéder à leur désir. La guerre avait donc éclaté au delà de ma forêt de Cérez, au delà même de ma planète. Il fut changé en animal et envoyé ici sur Mirand'arh par un puissant mage du nom de Kianan qui souhaitait plus que tout se débarrasser des héros protégeant la Wicca afin de s'assurer la victoire sur cette nouvelle terre. Pour achever son malheureux conte il m'avoua qu'il avait encore besoin de moi et de ma précieuse connaissance de la forêt. Il espérait que je le guide jusqu'à la porte qui séparait nos deux mondes, mais l'idée de devoir le supporter pendant plus d'une heure encore me déplaisait particulièrement. Je ne sais pour quels motifs je refusai tout bonnement de croire à pareil fable. Mais il finit par me convaincre... J'avais vécu si longtemps en solitaire que je trouvais folle la pensée de voyager aujourd'hui avec quelqu'un d'humain.
*
Je restai déterminée à ne pas lui prêter ma jument... Cependant je lui promis de lui trouver une monture pour le reste du chemin. Nous marchâmes ensemble sur plusieurs kilomètres, nous arrêtant pour manger et dormir. Solena semblait apprécier la compagnie du héros. La porte qui lui permettrait de rejoindre sa planète était particulièrement éloignée de l'endroit où j'avais fait sa rencontre. Il fallait traverser toute la forêt de Cérez puis passer les plaines Brumeuses. Or, une tâche comme celle-ci paraissait simple à quiconque désirait l'entreprendre, mais mon pays le Mirand'arh, peuplé d'êtres et de créatures magiques était loin d'être un lieu sûr...

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